Depuis le 16 Mars, jour où Renault s'est déclaré officiellement intéressé, le titre de l'entreprise a perdu 15 % en bourse. L'action est timidement remontée ces derniers jours, mais le message est clair: les marchés n'y croient pas. Souvenons-nous l'année dernière, après la reprise de Chrysler par Mercedes, les applaudissements et encouragements pleuvaient, tous les grands patrons de l'automobile y allaient de leur petite phrase pour complimenter les allemands pour un aussi beau coup. Aujourd'hui, tous se taisent.
Et le ministre japonais de l'industrie, même s'il a salué l'accord, n'a pas tenu à rencontrer Louis Schweitzer lors de sa visite au Japon, pendant que Yoshifumi Tsuji (président de Nissan) a déjà annoncé sa future démission pour avoir failli à sa mission de redresser la société, et avoir dû en cédé le contrôle à des étrangers. (Les japonais sont souvent nationalistes, et Nissan est le second constructeur du pays.)
Que penseriez-vous d'un mariage que tous les amis du marié déconseillent, et où le père de la mariée, tellement honteux d'avoir cédé sa fille, dit qu'il ne la verra plus?
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L'avenir des 2 gammes modèle par modèle
Première chose à préciser, il ne s'agit absolument pas d'une fusion, et Louis Scweitzer a même dit qu'il ne souhaitait pas devenir actionnaire majoritaire de Nissan, il s'agit plutôt d'un accord de partenariat: d'une alliance, le mot est lâché, mais si l'on parle de mariage, n'oublions pas l'idée de contrat car l'accord signé est long et complexe. Il prévoit d'abord qu'en échange d'une grosse trentaine de milliards de nos francs, Renault recevra 36.8% du capital de Nissan, ainsi que 22.5% de Nissan Diesel, la branche utilitaires du constructeur japonais. Un système d'options permettra ensuite au français de porter sa participation à 44% s'il le désire (Nissan de même, et si ses moyens le lui permettent, pourra acheter des actions Renault), mais dés à présent Renault devient propriétaire de la société de financement qui accorde les crédits aux clients européens, et les contrats prévoient également une provision pour une prise de participation dans Automakers, filiale sud-africaine de Nissan.
Carlos Ghosn, actuellement numéro deux de Renault, va quitter la France pour le Japon, où il deviendra directeur général de Nissan, deux autres cadres dirigeants, Patrick Pelata et Thierry Moulonguet l'accompagenront au conseil d'administration du constructeur japonais. A titre de réciproque, et pour faire bien, Yoshikazu Hanawa (directeur éxécutif de Nissan) va entrer au conseil d'administration de Renault, mais on sait déjà que cette nomination n'est qu'honorifique. M. Hanawa n'a nulle intention de quitter son pays, et personne n'imagine les français partager leur pouvoir. Surtout que même si l'on a pris soin de ne pas en parler en cette journée du 27 Mars où l'accord a été conclu (pour éviter un effet d'annonce désatreux) M. Tsuji (président de Nissan) avait clairement fait savoir, quelques jours plus tôt, qu'il se démettrait de ses fonctions une fois l'opération finalisée. M. Schweitzer sera donc le poids lourd, dans les conseils franco-japonais que l'on prévoit mensuellement pour diriger le groupe.
Nissan est aujourd'hui à genoux du fait de la crise asiatique (24 mois consécutifs de baisse du nombre des immatriculations au Japon), et d'une insuffisante standardisation entre ses différents modèles. Renault n'a pas d'expertise particulière dans ce dernier domaine, où américains et Volkswagen excellent, alors dans l'immédiat, on réduira les coûts par des synergies dans les domaines des achats (une personne unique pour les 2 marques sera un interlocuteur de poids face aux équipementiers), de la recherche et du développement, et de la stratégie produit. Nous remarquons cependant que les communiqués de presse n'évoquent pas l'idée d'un service communication commun. Enfin, à plus longue échéance (24 mois au plus tôt), on attend des moteurs et des plateformes communes.
Pour le client: quels changements ?
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