Le matin du 28 Janvier, à Detroit, lors d'une conférence de presse, William Clay Ford Jr (chairman de Ford), et Jac Nasser (président et Chief Executive Officer du groupe) annoncent qu'ils sont parvenus à un accord avec les suédois: Ford rachète à Volvo la branche automobile de son groupe pour la somme de 50 milliards de couronnes suédoises ( 37 milliards de francs, 5656 millions d'euros).

Volvo se consacrera désormais principalement à la production de véhicules utilitaires (on sait qu'il a effectué une large prise de participation chez son concurrent Scania quelques 10 jours plus tôt), d'équipements pour l'aéronautique et de moteurs de bateaux, mais ne pourra plus construire de voitures particulières, la marque Volvo pour ce type de produits étant maintenant sous la garde de l'armée d'avocats de Ford.

Actuellement, même si tout le monde présente l'affaire comme conclue, il reste à obtenir le consentement des actionnaires de Volvo, et nous rappellons, les français s'en souviennent bien, qu'en 1993, ils avaient fait capoter au dernier moment la fusion avec Renault, mais nous ne pensons pas pourtant que l'histoire va se reproduire. D'abord pace que tous les décideurs sont dorénavant convaincus que le marché automobile est de plus en plus global, avec de moins en moins d'opportunités, et surtout de capacités pour un petit constructeur isolé, qu'ensuite si un partenaire est nécessaire, le plus qualifié et le plus souple, c'est bien Ford.

Le bon repreneur

Il l'a d'ailleurs montré avec Jaguar. Tout le monde avait peur à la nouvelle du géant aux grands pieds qui reprenait l'aristocrate anglais, mais dix ans plus tard, tout le monde peut voir qu'aucune crainte n'était fondée. Les Jaguar sont toujours anglaises, faites par des anglais en Angleterre. Moteurs de vitres électriques ou airbags sont bien sûr communs avec des modèles de Ford, mais cela n'intéresse personne. Il n'y a pas en tout cas de rumeurs comme on entend pour BMW qui déplacerait les usines Rover en Hongrie, et c'est cela qui faisait peur aux suédois dans le choix d'un repreneur. Il fallait un repreneur social, et si l'adjectif ne convient pas vraiment à Ford, bon américain faisant passer le business avant tout, les intérêts financiers rejoignent ceux des employés puisqu'une partie de la valeur de Volvo vient de sa construction en Europe du Nord. Renault peut construire ses breaks Megane en Turquie, la clientèle Volvo apprécierait moins, et tant pis si les travailleurs suédois sont chers.

Ford a parfaitement analysé ce qui fait la valeur du constructeur suédois, une image de marque de robustesse, de fiabilité, de sécurité, et son objectif est de développer cette réputation. Il est évident qu'il n'y aura pas de badging Volvo sur un modèle Ford. Chacun sait que le réseau Volvo est demandeur pour un tout-terrain de luxe, façon Mercedes classe M, la nouvelle alliance va permettre cela en donnant à Volvo la possibilité de puiser dans les grandes poches de Ford, les clients ne peuvent que s'en réjouir.

Bataille pour une mariée

Depuis que les dirigeants du groupe suédois avaient fait savoir qu'ils n'étaient pas contre la cession de leurs activités automobiles (au tout début de cette année), plusieurs acheteurs s'étaient déclarés. Ford le premier, mais on savait que Volkswagen avait déjà établi des contacts de sa propre initiative, et depuis longtemps déjà. Fiat était aussi sur les rangs, mais un problème était qu'il n'avait pas l'argent, il aurait fallu emprunter. Cela ne leur faisait pas peur puisque selon Business Week, l'italien avait fait une offre supérieure à celle de Ford. Elle fut cependant refusé car Fiat voulait tout, branche automobile, et branche poids lourds, que les suédois ne voulaient pas céder. La General Motors fut aussi un moment intéressé, mais sans doute comme Volkswagen n'a t-elle pas voulu mettre le prix qu'il fallait, estimant que sa bonne réputation en Suède allait la placer en position de favori (GM avait repris Saab il y a quelques années et l'entente avec les syndicats comme les fournisseurs est excellente), ce ne fut pas le cas. Précisons cependant que les enchères sont montés haut, puisque les analystes financiers disent que Volvo, qui a vendu 400000 voitures en 1998, ne vaut pas plus de 20 milliards de francs.

Suite des évènements

Mais bien sûr le plus beau dans cette alliance, est la quasi-absence de concurrence entre les automobiles Volvo et les autos du groupe Ford. Les 2 modèles les plus proches sont en effet la Ford Mondeo et la Volvo S40, les consommateurs font très bien la différence entre les deux! Il y aura sans doute plus de similitude entre la S80 et la future Jaguar S-Type, mais entre deux autos aux personnalités si affirmées, il est impossible de dire que les gammes se chevauchent. Et si nous pouvons dèjà faire un pronostic pour l'avenir, il est justement que cette disparité va se prolonger. Pour le reste, et plus précisément au sujet d'une plateforme qui serait commune aux 2 marques, il est bien trop tôt pour en parler, alors en attendant il faudra plutôt chercher l'actualité dans les accords avec d'autres constructeurs. Volvo est associé à Mitsubishi pour produire la S40 et sa soeur Carisma en Hollande, les projets pour un monospace commun vont être revus, sinon jetés à l'eau. Enfin pour nous français, il risque d'y avoir un perdant dans l'histoire, c'est Renault. Notre première marque nationale achète des dizaines de milliers de moteurs suédois pour équiper ses Laguna et Safrane, mais pour Ford, être le fournisseur de moteurs de Renault, ce n'est pas d'un grand intérêt stratégique...